Société

Litige foncier : des familles menacées d’expulsion à Nombakélé

La justice a pour rôle de faire respecter les règles de la vie en société. Mais aussi, de mettre fin à des conflits.
Lorsqu’elle ne remplit pas correctement cette tâche ou qu’elle s’abstient de traiter des affaires au fond, le risque est de voir des individus se faire eux-mêmes justice. Cela pourrait arriver, si l’on n’y prend garde, au quartier Nombakélé où des familles sont menacées d’expulsion de leurs concessions.

Il y a quelques années, Adama Yougouda et Jeannette Mouyémé acquéraient des parcelles (204 et 555) sur le titre foncier n°1012, auprès de Claire Anna Marguerite Pauleau, nièce et héritière de Angélique Mamlika Ndiaye.
Cette dernière est une Gabonaise aujourd’hui décédée et, selon des voix autorisées au niveau de la justice, était l’épouse légitime de feu Augustin Dasilveira, Togolais.

Durant son existence, le couple, qui s’était uni au Togo, n’a pas eu la grâce de procréer. Sauf que, après la mort de son mari, Angélique Mamlika Ndiaye a désigné sa nièce Pauleau comme héritière de l’ensemble de son patrimoine.
Jusqu’ici, tout se passait bien. Puis, un jour, surgit un individu se présentant comme un des hoirs de feu Augustin Dasilveira.
Il va, non seulement contester les actes posés par dame Pauleau, mais aussi remettre en cause l’existence d’un mariage civil entre Augustin Dasilveira et Angélique Mamlika Ndiaye.

Aussi, va-t-il entreprendre des démarches au niveau de la justice pour solliciter l’expulsion, sur le terrain laissé par son oncle à son épouse, des occupants des lieux. Lesquels ont d’ailleurs bâti sur ledit terrain.
Il finira par obtenir une ordonnance du juge des référés, qui ordonne justement l’expulsion de Adama Yougouda, les hoirs Jeannette Mouyémé et de tous les occupants du titre foncier mentionnés  plus haut.

Pour Me Martial Dibangoyi-Loundou, avocat au barreau saisi par les nommés Adama et Mouyémé, cette décision n’a pas vidé le dossier au fond. C’est pourquoi elle ne saurait être appliquée.
Mieux, qu’elle viole les droits fondamentaux des personnes menacées d’expulsion, tels prescrits dans la Constitution gabonaise. En effet, le tiret 10 de l’article premier de la Loi fondamentale dispose que « toute personne, aussi seule qu’en collectivité, a droit à la propriété. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige et sous la condition d’une juste et préalable indemnisation ».

En clair, au Gabon, la mère des lois, qui protège le droit de propriété, interdit tout expulsion si le dossier n’a pas été vidé, notamment sur la question de l’indemnisation.
Par ailleurs, dans le droit gabonais, les ordonnances de référé n’ont pas valeur de la chose définitivement jugée. En son article 438, le Code civil en vigueur est pourtant clair sur la question : « L’ordonnance de référé est une décision provisoire, rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires ».

Fort de ce qui précède, considéré comme l’avocat des dossiers difficiles, Me Dibangoyi-Loundou a déjà lancé les procédures de contestation auprès des juridictions civiles de premier degré, aux noms de Yougouda Adama et Jeannette Mouyémé. « Nous nous réservons aussi le droit de saisir la Cour constitutionnelle par rapport au droit fondamental de la propriété », a dit l’avocat, joint au téléphone.

 

Par Guy Romuald Mabicka

Caroline Bivigou
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