Le Croustillant

Naufrage d’Esther Miracle : la cupidité meurtrière d’Angoué Mba et Mbadinga

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Voilà une semaine que le navire Esther Miracle appartenant à la compagnie Royal Cost Marine a fait naufrage au large de Libreville.

Et comme tout le monde le sait, la tragédie a coûté la vie à près de 30 personnes. Assurément, c’est l’accident le plus meurtrier enregistré au Gabon, devant Massika (19 morts) en 2003 et le crash aérien de Makongonio (10 morts) en 1985.

Aujourd’hui, nous en savons un peu plus sur quelques mobiles de ce drame qui, il faut le souligner, pouvait être évité si la direction générale de la Marine marchande n’avait pas fermé les yeux devant les irrégularités de l’armateur. Les dispositions du code de la Marine marchande et des textes pris pour son application, tout comme sa mission à assurer la protection des biens et des personnes dans l’espace maritime ont été honteusement violés.

Afin de comprendre comment une telle forfaiture eut été possible, nous avons mené notre petite enquête. De celle-ci, nous découvrons que le navire Esther Miracle a appareillé du port môle de Libreville à destination de Port-Gentil, avec à son bord 13 membres d’équipage dont 2 stagiaires et 3 gendarmes assurant l’escorte.

Le navire aurait été muni des manifestes passagers et fret composé comme suit : 8 conteneurs dont 2 de 40 pieds et 6 de 20 pieds; 34 tonnes comprenant 5 voitures et des marchandises diverses; et 161 passagers dont certains, selon nos sources, n’apparaissent pas sur le manifeste officiel de voyage.

En clair, si certains passagers ont acquis régulièrement leurs tickets voyage, d’autres, par contre, ont fait dans le business pour ne laisser aucune traçabilité. Ceci pourrait expliquer la discordance des chiffres officiels rendus publics sur le nombre de personnes à bord du navire.

Précédemment dénommé « Ogooué », Esther Miracle a été immatriculé à Libreville le 10 décembre 2005, sous le numéro L284 et géré  par la société SONAGA en 2006. Le navire a ensuite été racheté par la société Peschaud en 2011.

Depuis 2020, ce navire est la propriété de Royal Cost qui, en novembre 2022, l’a rebaptisé Esther Miracle. Au regard des nombreux acquéreurs par lesquels le bateau est passé, a-t-il subi une touche mécanique après son rachat en 2020 ? Pas si sûr.

En juillet 2022, au terme d’une inspection des experts de la direction générale de la Marine marchande, il avait été relevé des disfonctionnements. À savoir que ce navire était dépourvu des documents importants, tels que l’acte de gabonisation, l’acte de transfert de propriété.

Esther Miracle était également en défaut de certificat d’immatriculation, celui abord étant au nom de Peschaud. De plus, les membres d’équipage abord étaient employés chez Peschaud et pas chez Royal Cost.

D’autres irrégularités au sujet de cet équipage. Le capitaine du navire à l’origine du naufrage est détenteur d’un brevet de lieutenant de pêche, non conforme à la convention STCW car n’étant pas adapté au type de navigation qu’exerce présentement cette compagnie (navigation de pêche et non de commerce). Tout comme son chef mécanicien, qui ne possède également aucun document attestant de cette compétence.

A ce chapelet d’irrégularités, il faut ajouter que le second capitaine dont la présence abord était obligatoire, conformément au document spécifiant l’effectif minimum de sécurité, n’était malheureusement pas détenteur lui aussi de brevet au même titre que ses coéquipiers. Autre élément à charge, le certificat de sécurité pour navire à passagers délivré à Esther Miracle semble l’avoir été dans des conditions douteuses.

Au regard des éléments en notre possession, l’armateur serait en concussion avec l’équipe dirigée par Fidèle Angoue Mba, qui a tout bonnement fermé les yeux moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes. D’autres éléments techniques méritent également d’être scrutés de près.

Récemment, la compagnie appartenant à  sieur Mbadinga a effectué des travaux de transformation navale, en vue de créer une seconde cabine pour les passagers, au mépris des dispositions techniques nautiques. Si les experts en la matière avaient exigé l’arrêt de ces travaux, ceux-ci sont bien allés à terme sans que la compagnie n’ait écopé d’aucune sanction.

Pourquoi l’interdiction n’a-t-elle pas été respectée ? Ces travaux ont-ils été effectués dans les règles de l’art ? Pas si sûr nous disent certains cadres de la Marine marchande.

Malgré l’évidente défaillance mécanique que présentait ce navire, notamment l’avarie au niveau des moteurs, la Marine marchande a quand même autorisé son appareillage sur Port-Gentil, sous réserve d’une décharge du commandant attestant que le bateau était apte à faire le voyage. De juillet 2022 à mars 2023, soit 8 mois, doit-on comprendre que ce temps a suffit à la compagnie Royal Cost pour régler tous les dysfonctionnements constatés sur le navire et décidé de son appareillage pour assurer, le transport des personnes et des marchandises ?  Comment expliquer cette légèreté dont a fait montre la direction générale de la Marine marchande ?

À cette question, la réponse peut être trouvée dans le décret numéro 1807/PR/MMM du 13 novembre 1985 qui érigeait la Marine marchande en Ministère à part entière et ce, jusqu’à 2009. Malgré son rattachement depuis cette même année au ministère des Transports, tous les directeurs généraux et leurs collaborateurs qui se sont succédés à la tête de la Marine marchande, s’arrogent autant de pouvoirs pour être signataires de tous les actes liés à l’entrée des navires sur le territoire national, à leur navigabilité, à leur gestion technique et administrative car couvert par les prérogatives que leur donne ce décret qui n’a jamais été modifié.

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