Société

Procès de Patrichi Tanassa et compagnie : la défense se pourvoit en cassation

La défense se pourvoit en cassation. ©GT

GT 21 juillet 2022 — « Quelle justice voulons-nous pour notre pays ? », interrogeait dès l’entame de sa plaidoirie, Me Charles Henri Gey Bekale, un des conseils de Christian Patrichi Tanassa Mbadinga. Sans doute avait-il prédit l’issue de cette affaire devant la Cour criminelle spécialisée.

Cela dit, le procès contre Christian Patrichi Tanassa Mbadinga (détournement de fonds publics et blanchiment des capitaux), Jérémie Ayong NKodjé Obame (complicité de détournement et blanchiment d’argent public) et Geaurge Elsa Carelle Ndemengane Ekoh (complicité de détournement) est loin d’être terminé. Car sitôt prononcée, les avocats de ces compatriotes ont contesté la sentence de la juridiction citée plus haut.

Aussi, ont-ils annoncé une concertation rapide avec leurs clients, particulièrement Patrichi Tanassa Mbadinga et Ayong NKodjé Obame, en vue d’un pourvoi en cassation.

Ils évoquent, à demi-mots, une parodie de procès. D’autant, estime Me Jean Paul Moumbembé, « il n’existe, sur le plan du droit, aucune qui puisse permettre la condamnation des accusés ».

Très à l’aise dans son exercice, l’expérimenté avocat a fait valoir l’absence au dossier d’une « pièce de très grande importance », à savoir le rapport d’audit de la Cour des comptes sur la gestion de Gabon Oil Company (GOC) et Gabon Oil Marketing (GOM), sur la période allant de mai 2018 à novembre 2019.

Ce rapport est d’autant plus important que la Cour criminelle a jugé une affaire de dissimulation de fonds publics, donc de l’argent du contribuable. Ce qui renvoie à la comptabilité publique.

En la matière, l’État s’est doté d’une institution spécialisée. Un gendarme financier qui est donc la Cour des comptes dont les missions sont du reste mentionnées dans la Loi fondamentale.

« Seul le rapport de la Cour des comptes doit nous dire s’il y a eu détournement ou pas, puisque nous sommes en comptabilité publique », a souligné Me Moumbembé. Déplorant que « la Cour criminelle spécialisée s’est contentée des conclusions imprécises des cabinets privés dont les prestations ont été payées à des centaines de millions de francs, alors que l’organe étatique le fait gratuitement ».

Et Me Gey Bekale d’asséner : « Ce procès était l’occasion de s’expliquer devant le peuple gabonais pour lequel la justice est pourtant rendue. Il a fait naître un sentiment au sein d’une population qui attendait que la Cour exploite tous les mécanismes que la loi lui donne pour la manifestation de la vérité ».

Selon ce professionnel du droit, si l’opération « mains propres » a pour fonction d’assainir la gouvernance du pays, elle ne doit pas ressembler à un « missile à tête chercheuse » et qui renverrait aux procès de Moscou organisés entre août 1936 et mars 1938 par Joseph Staline, dans le cadre des grandes purges.

Aussi, a-t-il « stigmatisé le fait que l’on se serve de ses clients pour faire le procès de la mauvaise gouvernance du Gabon ». Un argumentaire soutenu par Me Anges Kevin Nzigou, qui a indiqué que « les faits jugés ne relèvent pas en réalité de la justice ».

Non sans évoquer, pour les dénoncer, « des actes de torture et d’humiliation » qu’aurait subi Patrichi Tanassa au pénitencier de Gros-Bouquet. Et de terminer en demandant : qui sommes-nous pour humilier nos semblables ?

En allant cassation, les avocats sus-nommés ont foi que raison leur sera donnée. Une conviction qui se fonde, selon Me Moumbembé, sur un cas de jurisprudence similaire, en 2018, concernant Blaise Wada.

Après une détention préventive de plusieurs années, l’ancien responsable de l’Unité de coordination des études et des travaux (Ucet) avait été jugé et condamné à 20 ans d’emprisonnement pour « détournement ». Mais la Cour de cassation avait cassé l’arrêt de la Cour spécialisée pour défaut de l’arrêt de la Cour des comptes.

Caroline Bivigou

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